L’IA au service de la protection de notre ressource la plus précieuse: l’eau.

Écrit par Naysan Saran | 2020

 

L’intelligence artificielle est partout

Vous prenez des photos avec votre téléphone? Un algorithme s’occupe d’optimiser les réglages. Vous pensez changer de travail? Votre prochaine entrevue sera peut être effectuée par une IA. Chaque jour, de nouveaux modèles sont développés pour optimiser des domaines aussi variés que la santé, la finance et les arts. D’ailleurs, l’ouvrage “Deep Learning”, l’une des bibles de l’apprentissage profond, a été traduit de l’Anglais vers le Français…en grande partie par un algorithme d’apprentissage profond. Il existe cependant certains domaines où la progression de l’IA est moins rapide. Parmi ceux-ci, la gestion de notre ressource la plus précieuse sur terre: l’eau.

 

Le cas de l’eau

Selon le Financial Times, l’eau sera le pétrole du 21e siècle. Hélas, les problèmes invisibles sont rarement la priorité : entre 30 et 50% de cette ressource précieuse est perdue avant d’atteindre nos robinets. Pour cause : dans les grandes villes, la majeure partie des conduites d’eau, installées il y a plus de 70 ans, approchent de leur fin de vie utile, causant de plus en plus de fuites et de ruptures de canalisations.

Selon l’Agence américaine de protection de l’environnement, les coûts de remplacements nécessaires s’élèvent à 500 Milliards de dollars, à financer principalement par les gouvernements, donc à prélever sur nos taxes.

Les citoyens doivent se préparer à payer une facture salée dans les prochaines décennies. Afin de ne pas augmenter nos impôts plus que nécessaire, il devient donc impératif d’utiliser les données disponibles pour optimiser la maintenance des réseaux d’eau.

Sachant que la majorité des villes collectent déjà des données sur leurs infrastructures, quels sont les freins à l’adoption de l’intelligence artificielle dans ce domaine ?

 

 

Étude de cas

Depuis 2017, CANN Forecast valorise les données des villes pour les aider à mieux gérer l’eau. L’an dernier, notre équipe a démarré le premier projet de recherche pancanadien visant à appliquer l’intelligence artificielle pour optimiser le remplacement des les réseaux d’eau potable. 

En plus de l’université McGill et l’INRS, neuf municipalités à travers le Canada se sont jointes à nous pour relever le défi. La fin du projet est prévue pour l’été 2020, mais déjà plusieurs tendances se dégagent. En effet, même si les résultats sont très prometteurs, certains enjeux doivent être adressés pour permettre aux algorithmes d’atteindre leur plein potentiel, dont les données et à l’interprétabilité.

 

La question des données

Selon la pratique courante, les scientifiques de données passent jusqu’à 80% de leur temps à formater les données. C’est définitivement le cas en gestion de l’eau, car faute d’un format standard, les données sont sauvegardées sur une multitude de supports (bases de données Esri, logiciels propriétaires, cartes PDF, relevés à main levée…).

En attendant l’établissement d’un gabarit de données unique pour toutes les villes, nous développons, en collaboration avec le Centre d’Expertise en Infrastructures Urbaines du Québec, un outil de traitement des données automatique basé sur l’Intelligence Artificielle.

 

La question d’interprétabilité

Cette question possède deux facettes, dont la première est l’interprétabilité des modèles. Beaucoup trop souvent, en IA, les nouveaux modèles sont développés dans le seul objectif d’obtenir de meilleurs scores que leurs prédécesseurs. Dans cette course à la performance, peu de chercheurs prennent le temps de comprendre ce qui se passe à l’intérieur de leurs boîtes noires.

Or, dans un contexte de gestion de l’eau où chaque mauvaise décision peut avoir des risques importants sur la santé des citoyens, peu de décideurs sont prêts à faire confiance à des systèmes opaques. L’interprétabilité des algorithmes est un domaine relativement nouveau de l’IA, dont il faudrait accélérer l’expansion.

La deuxième facette concerne l’interprétabilité des résultats. Les scientifiques de données évaluent le succès de leurs algorithmes dans un jargon qui leur est particulier: accuracy, train/split, cross-validation, etc. De leur côté, les décideurs municipaux veulent savoir après combien d’années le déficit d’entretien de leurs infrastructures sera rattrapé. Afin que ces deux métiers puissent communiquer, les métriques de performance doivent être traduites en retour sur investissement mesurable pour les municipalités, ce qui n’est pas toujours facile en gestion du risque.

 


 

La gestion de l’eau est donc un défi complexe, et les progrès récents de l’intelligence artificielle peuvent clairement aider à en relever une partie. Mais aujourd’hui encore, certaines voix se font l’écho de la réaction de Philip Thicknesse devant le Mechanical Turk. La réalité cependant, est que nous sommes déjà arrivés à l’ère d’AlphaGo. Ainsi, même si l’IA a fait un long chemin, il reste encore plusieurs challenges à adresser. Cet article présente quelques pistes de réflexions afin de profiter pleinement de la révolution des données pour optimiser l’un de nos biens les plus précieux : l’or bleu.

L’évaluation d’un modèle prédictif de la qualité de l’eau

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Identifier les périodes durant lesquelles l’eau n’est pas sécuritaire pour les activités récréatives, pour le traitement de l’eau potable ou pour la faune et la flore aquatiques est un défi majeur. Traditionnellement, l’échantillonnage est le moyen privilégié pour déterminer si l’eau est sécuritaire. La modélisation prédictive basée sur l’intelligence artificielle (IA) est une approche qui devient de plus en plus populaire.

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