Écrit par Rachel Laplante, M.Sc | Septembre 2022
Dans le premier article, nous avons vu que les surverses sont des déversements d’eaux usées dans les cours d’eau qui se produisent principalement lors de précipitations abondantes et lors de la fonte des neiges. Nous avons également discuté de leurs effets sur l’environnement et la santé humaine. Dans cet article, nous allons plutôt nous concentrer sur la législation en place au Québec pour assurer le suivi des surverses et sur les actions qui peuvent être prises pour mitiger leurs impacts, en tenant compte de l’effet des changements climatiques.
Législation municipale au Québec
En 2014, le Règlement sur les ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées (ROMAEU, Q-2, r.34.1) est entré en vigueur au Québec. Il vise à diminuer la pollution provenant des surverses afin de mieux protéger les sources d’eau potable, la vie aquatique, les zones de baignades et les écosystèmes. Pour y arriver, le ROMAEU encadre la collecte de données de qualité sur les surverses au niveau de l’ensemble du territoire québécois, et la quantité de surverses qui est permise par ouvrage.
Toutes les municipalités doivent faire le suivi des surverses sur leur territoire. Les municipalités doivent ainsi avoir un enregistreur électronique ou noter à chaque semaine le déplacement d’un repère pour déterminer la fréquence, la durée et le moment des surverses pour tous les ouvrages avec un débit moyen annuel dépassant 10 m³/jour et qui se trouvent sous le 54e parallèle. Deux des normes importantes du ROMAEU sont que les surverses en temps sec (sans une pluie) ne sont pas permises et que le nombre et la quantité de déversement est limité pour chaque ouvrage annuellement. Afin de récolter cette information, à chaque mois les municipalités doivent remplir à chaque mois une fiche pour chaque ouvrage en dénombrant le nombre de débordements, le contexte (pluie, fonte de neige, urgence, etc.), la durée et une estimation du volume lorsque possible. Les municipalités doivent également remplir un rapport annuel faisant une synthèse des débordements, incluant les instances de non respect et des mesures de remédiation. Ce règlement est un pas dans la bonne direction afin d’avoir un portrait de l’importance des surverses dans nos cours d’eau. Par la suite, il faut également des actions concrètes afin de diminuer cet impact.
Finalement, les données de surverses des différentes municipalités sont colligées par le MELCC dans la base de données appelée Suivi des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux (SOMAEU) qui est disponible en ligne.
Mitigation de l’impact des surverses
Afin de mitiger l’impact des surverses, plusieurs actions peuvent être prises par les municipalités et les citoyens. Ces actions consistent principalement à réduire la quantité d’eau et le temps que prend cette eau pour se rendre dans nos égouts, et donc d’éviter les surverses.
Comme citoyen, il est possible de poser un récupérateur d’eau de pluie, d’éloigner le ruissellement des fondations, de construire un jardin pluvial ou de construire des puits d’infiltration qui permettent de distancer l’eau du drain de fondation qui est relié au réseau d’égout. En général, le but est de diminuer la quantité de surfaces imperméables, comme le béton, afin de permettre un meilleur ruissellement. Le verdissement est donc également une action à considérer.
À plus grande échelle, la construction d’un réseau d’égout séparatif est l’idéal. Comme nous l’avons vu dans le dernier article, un réseau séparatif est composé d’un conduit qui transporte les eaux domestiques usées vers les stations d’épuration et un conduit qui rejette les eaux pluviales dans l’environnement. Bien que les égouts séparatifs soient avantageux pour éviter de nombreuses surverses, l’eau de pluie et de ruissellement peut tout de même être contaminée. Il est donc également nécessaire de retirer les polluants présents dans l’air et sur le sol. Ceci peut être fait en balayant la rue pour enlever les déchets et le sel de déglaçage par exemple.
La conservation des milieux humides est également importante puisqu’ils peuvent aider à augmenter l’infiltration d’eau, réduire la vitesse de ruissellement et augmenter la captation de polluants. Finalement, augmenter les zones vertes dans les municipalités peut grandement améliorer l’infiltration et la recharge de la nappe phréatique. Le nombre et le volume des surverses sont amplifiés par l’imperméabilisation des sols et la diminution de la végétation. En effet, ceci engendre une augmentation du volume d’eau ruisselé qui se rend dans les égouts et de la probabilité d’observer des surverses en temps de pluie. C’est pourquoi la renaturalisation du milieu urbain peut faire partie de la solution dans la ville de demain.
Afin de mitiger l’impact des changements climatiques sur les surverses, l’action la plus significative est l’augmentation du volume des conduites. Toutefois, cette action à elle seule n’est pas suffisante et doit être jumelée à d’autres. La renaturalisation, la mise en place de bassins de rétention et la correction de problématiques dans le réseau actuel, e.g. présence de racines, sont également nécessaires pour diminuer l’impact des surverses.
Au Québec, le ROMAEU a été instauré afin de faire un suivi des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux usées. Ces données sur les surverses (regroupées dans le SOMAEU) sont nécessaires afin de localiser les cours d’eau les plus impactés par les déversements. Mieux connaître les endroits les plus impactés par les surverses pourrait permettre d’identifier les endroits les plus propices aux activités récréatives puisque comme on le sait, les surverses peuvent avoir un impact sur la santé humaine. De plus, ceci pourrait permettre de mieux cibler les endroits prioritaires pour effectuer des changements afin de minimiser l’impact des surverses. Ces changements peuvent être faits autant au niveau individuel que municipal. Dans un contexte de changements climatiques, les actions ayant le plus fort impact sont la modification du réseau d’égout et la renaturalisation en milieu urbain. Finalement, les surverses sont une réalité de notre société, et certaines actions doivent être prises pour diminuer autant que possible leur impact sur l’environnement.
Références
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