Les déversements d’eaux usées au Québec

Écrit par Rachel Laplante | Juillet 2022

 

En octobre 2015, lors du maintenant célèbre Flushgate, la ville de Montréal a rejeté 8 milliards de litres d’eaux usées dans le Fleuve Saint-Laurent afin d‘effectuer des réparations sur le réseau d’égout. Ce déversement très médiatisé a permis d’attirer beaucoup d’attention sur le phénomène des surverses qui surviennent dans un grand nombre de cours d’eau au Québec. À travers cet article, j’entends donner des pistes de réponse à plusieurs questions concernant les surverses, telles que: qu’est-ce que sont les surverses et quel est leur impact réel sur les cours d’eau au Québec?

 

Les réseaux d’égout

 

Afin de comprendre les causes des surverses, il faut d’abord connaître le fonctionnement de nos réseaux d’égout. D’abord, l’eau récoltée par le système d’égout est divisée en deux grandes catégories : l’eau de pluie et les eaux usées. Les eaux usées ont été affectées par les activités humaines, que ce soit à la maison (p.ex. douche, lavage) ou dans une industrie (p.ex. usine). Le réseau d’égout se charge de diriger ces eaux usées vers une station d’épuration afin de les traiter avant leur rejet dans l’environnement. Cependant, il n’est pas toujours possible de diriger toute cette eau vers la station d’épuration à cause de la capacité limitée du réseau d’égout et du type d’égout qui diffère d’une ville à l’autre. 

Dans un système d’égout unitaire, les eaux usées et les eaux de pluie sont acheminées dans une même conduite vers une station d’épuration où elles seront traitées. Au Québec, la majorité du réseau d’égout a été construit entre 1950 et 1960, période durant laquelle le réseau de type unitaire était privilégié. Depuis 1965, les systèmes d’égouts séparatifs sont favorisés puisqu’ils permettent de séparer les eaux de pluie des eaux usées. Les eaux usées sont alors canalisées vers la station d’épuration et l’eau de pluie est envoyée directement dans l’environnement.

 

a) Réseau d'égout unitaire, b) Réseau d'égout séparatif

 

 

Les causes des surverses

 

Les surverses se produisent en grande majorité dans les réseaux d’égout unitaires, lorsque le réseau est à pleine capacité et qu’il est impossible de traiter toute cette eau. Au lieu de laisser l’eau refouler dans les sous-sols des bâtiments, cette eau non traitée est rejetée dans un milieu récepteur, une rivière ou un lac, via une structure de dérivation, habituellement nommée un ouvrage de surverse. Ces surverses peuvent survenir dans différents contextes tels que la pluie et la fonte de la neige, ou lors de travaux planifiés comme pour le Flushgate. En général, c’est la pluie qui est la première raison des surverses, suivie de la fonte de la neige. Pour plus d’informations sur les surverses en fonction de la région, une carte interactive a été créée par la Fondation rivières.

 

 

 

Les effets des surverses sur l’environnement

 

Puisqu’elles contiennent des eaux usées, les surverses sont souvent composées de matières nocives pour l’environnement et la santé humaine. Ces substances peuvent inclure, entre autres, des déchets (p.ex du papier de toilette), des produits chimiques (p.ex le sel de déglaçage), des nutriments (p.ex le phosphore et l’azote) et des pathogènes (voir l’article sur Les agents pathogènes dans les eaux urbaines).

Au niveau de la santé humaine, les surverses contiennent souvent une quantité importante de matières fécales et par conséquent plusieurs pathogènes, comme la bactérie Escherichia coli. Ces pathogènes peuvent causer des maladies, comme une gastro-entérite. Ainsi, lorsqu’on suspecte un risque important de surverses, par exemple après une forte pluie, des limitations aux activités récréatives sont mises en place. Parmi ces limites, on compte notamment l’accès aux plages ou la collecte de mollusques, puisque les mollusques peuvent être un vecteur pour la transmission bactérienne à l’humain.

Les surverses ont également un impact sur la faune et la flore des cours d’eau. Un apport d’eau intense et une accumulation progressive des contaminants et polluants peuvent détériorer les habitats, et affecter les populations. L’apport de nutriments par les surverses peut également favoriser certaines espèces au détriment des autres. C’est d’ailleurs le cas pour les cyanobactéries, aussi connues sous le nom d’algues bleu-vert, qui prolifèrent lorsqu’il y a un surplus de phosphore dans l’eau et qui peuvent avoir de multiples conséquences sur le milieu récepteur. Certains produits chimiques peuvent aussi perturber le système endocrinien des poissons et diminuer leur capacité à se reproduire. Finalement, les surverses peuvent également entraîner une baisse de l’oxygène dans l’eau, qui est essentielle pour la survie des différentes espèces.

 

Comme on vient de le voir, l’impact d’une surverse sur l’environnement dépend des substances rejetées, de leur concentration et de leur persistance dans l’environnement. Même si on en connaît peu sur la composition des surverses, on peut utiliser le volume et la fréquence des surverses pour estimer cet impact. Les caractéristiques du lac ou de la rivière réceptrice sont également importantes à tenir en compte comme la capacité du lac ou de la rivière de diluer la surverse. En effet, l’impact d’une surverse dans le Fleuve Saint-Laurent sera moins important que dans un petit cours d’eau. Finalement, il faut tenir compte de la localisation des ouvrages et de leur densité, car même si un ouvrage de surverses à lui seul a peu d’impact sur un cours d’eau, l’effet cumulatif  de tous les ouvrages peut être important.

 

 

Le déversement d’eaux usées affecte la qualité de nos cours d’eau ainsi que notre utilisation de cette eau. Au Québec, il est fort probable que le problème des surverses soit exacerbé par les changements climatiques en raison de l’augmentation des précipitations et de leur intensité. Ceci pourrait mener à des inondations et des refoulements plus fréquents et avoir des impacts plus importants sur les lacs et les rivières. Heureusement, il y a de l’espoir car plusieurs actions peuvent être réalisées afin de limiter les effets des surverses, autant au niveau individuel qu’à l’échelle municipale, et ce sont ces solutions que je vais couvrir dans mon prochain article.

 

Références:

 

Dulude, A. M. (2016). Déversement des eaux usées de la Ville de Montréal – Portrait de situation. https://belsp.uqtr.ca/id/eprint/1380/1/Dulude_eaux_us%c3%a9es_portrait_%202016_A.pdf 
Gouvernement du Canada. (2013). Évaluation scientifique des effets des effluents d’eaux usées municipales : sommaire et mise à jour. https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/eaux-usees/documents-reference/evaluation-scientifique-effluents-municipales.html#unitaires 
Madoux-Humery, A. S. (2015). Caractérisation des débordements d’égouts unitaires et évaluation de leurs impacts sur la qualité de l’eau au niveau des prises d’eau potable[Doctoral dissertation, École Polytechnique de Montréal].https://publications.polymtl.ca/2044/1/2015_AnneSophieMadouxHumery.pdf
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. (2022). Débordements et dérivations d’eaux usées. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eaux-usees/ouvrages-municipaux/debordements.htm
Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. (2021). Encadrement des débordements et des dérivations d’eaux usées par le Ministère. https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/eaux-usees/ouvrages-municipaux/debordements/encadrement.pdf 
L’évaluation d’un modèle prédictif de la qualité de l’eau

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Identifier les périodes durant lesquelles l’eau n’est pas sécuritaire pour les activités récréatives, pour le traitement de l’eau potable ou pour la faune et la flore aquatiques est un défi majeur. Traditionnellement, l’échantillonnage est le moyen privilégié pour déterminer si l’eau est sécuritaire. La modélisation prédictive basée sur l’intelligence artificielle (IA) est une approche qui devient de plus en plus populaire.